Une lettre de Clive Bates aux membres du Comité ENVI

Publié le 19 Janvier 2014

Une lettre de Clive Bates aux membres du Comité ENVI

Le Comité ENVI se réunit le 22 janvier pour évaluer le texte de la Directive tabac européenne. Voici une lettre que Clive Bates leur a envoyé pour souligner les faiblesses et les erreurs de ce texte sur l'e-cigarette.

Aux: Membres du Comité ENVI, Parlement européen
CC: membres suppléants du Comité ENVI
De: Clive Bates

19 janvier 2014

Mercredi 22 janvier, les membres du Comité ENVI vont évaluer le texte de la révision de la Directive sur les produits du tabac qui a été produit par le Trilogue. Je voudrais attirer votre attention sur les faiblesses significatives de ce texte sur la partie qui traite des e-cigarettes (principalement l'Article 18, et les références croisées à d'autres articles).

J'espère que vous voudrez bien parler, voter ou persuader vos collègues afin que la partie de la Directive sur l'e-cigarette soit proposé comme une nouvelle proposition législative basée sur des données scientifiques crédibles, une procédure régulière, et une base légale appropriée.

Science imparfaite

Les bases scientifiques sont erronées et déformées. Deux scientifiques, individuellement, et un groupe de scientifiques ont rejeté les bases scientifiques dans des lettres à la Commission et certains Députés européens:

10 janvier 2014. Le Dr Konstantinos Farsalinos a écrit à la Commission: The European Commission has misinterpreted my scientific research on nicotine in e-cigarettes

12 janvier 2014. Le Dr Lynne Dawkins a écrit à la Commission: Please do not distort my words to justify your policy

17 janvier 2014. Un groupe de scientifiques renommés dans le domaine de la recherche sur le tabac a proposé une plus large analyse: Déclaration scientifique sur la Directive tabac européenne. Ce groupe inclus: Prof. Jean-François Etter, Dr. Konstantinos Farsalinos, Prof. Peter Hajek, Dr. Jacques Le Houezec, Dr. Hayden McRobbie, Prof. Chris Bullen, Prof. Lynn T. Kozlowski, Dr. Mitchell Nides, Prof. Riccardo Polosa, Dr. Karl Fagerström, Prof. Martin Jarvis, Dr. Lynne E. Dawkins, Dr. Pasquale Caponnetto, Prof. Jonathan Foulds.

Les erreurs scientifiques relevées ne sont pas triviales et en fait soulignent les aspects les plus controversés de la Directive. Ils portent sur:

  • Affirmations incorrectes à propos de "l'équivalence" entre la consommation de cigarettes et l'utilisation d'e-cigarette
  • Exagération de la toxicité de la nicotine
  • Mauvaise compréhension de l'utilisation de nicotine pour justifier des tests inappropriés
  • Affirmations inappropriées à propos de l'obligation d'une délivrance consistante de nicotine basée sur une mauvaise compréhension du comportement de l'utilisateur
  • Approche inappropriée de la gestion des risques (en limitant la taille des flacons)
  • Affirmations incorrectes concernant l'effet de "porte d'entrée" dans le tabagisme pour exagérer les risques et pour justifier l'interdiction de publicité

Procédure irrégulière

Le Parlement européen a rejeté correctement la classification inappropriée et sans base légale de la médicalisation de l'e-cigarettes le 8 octobre 2013. Cependant, ce changement de direction radical n'a pas permis de suivre une procédure appropriée qui devrait faire partie intégrante de toute procédure législative européenne, en particuliers sur les points suivants:

  • L'obligation de consultation – il n'y a eu aucune consultation sur les nouvelles propositions, alors que la nouvelle réglementation va affecter des millions d'utilisateurs et des milliers d'entreprises, et alors que les experts émettent des objections substantielles. La consultation de 2010 a simplement consisté à demander si les produits contenant de la nicotine devaient être intégrés à la nouvelle Directive.
  • L'obligation de fournir des justifications – quasiment aucun argument n'a été présenté pour justifier les mesures, et celles qui sont proposées sont basées sur une mauvaise interprétation des données scientifiques (voir ci-dessus).
  • L'obligation de fournir une évaluation de l'impact – aucune nouvelle évaluation de l'impact n'a été produite pour soutenir les nouvelles propositions, pourtant elles pourraient avoir de sérieux effets négatifs sur les utilisateurs, fausser la concurrence en faveur du tabac, imposer des charges élevées et inutiles aux entreprises et aux consommateurs, et avoir globalement un impact négatif sur la santé en Europe.
  • L'obligation de permettre un contrôle – les propositions législatives et les amendements doivent être envoyés aux parlements nationaux pour permettre un contrôle, avec un délai suffisant pour permettre aux parlements et aux gouvernements de répondre. La proposition a changé de façon très importante depuis son introduction en décembre 2012. S'ils peuvent le voir, les parlements nationaux ne le verront qu'à la dernière minute avant qu'un accord soit acquis, et pas selon la procédure appropriée.

Tout cela n'est pas seulement des "petits plus" mais ce sont des exigences des traités européens. L'esquive de ces exigences est maintenant l'objet d'une plainte auprès du médiateur européen, qui est détaillée ici: Maladministration in the development of the revision of the Tobacco Products Directive with specific reference to Article 18 on electronic cigarettes - avec le soutien des organisations d'utilisateurs d'Allemagne, de France, d'Italie, du Royaume Uni, de Pologne, des Pays-Bas, de Belgique, du Danemark et de Hongrie, et d'autres qui ont indiqué leur soutien.

Mesures illégales

De même que les irrégularités procédurales illégales mentionnées ci-dessus, la science imparfaite et les mesures arbitraires injustifiées posent de sérieux doutes sur la légalité des principales dispositions lorsqu'elles sont confrontées aux principes de proportionnalité, de non discrimination, et de bases légales appropriées. La base légale du marché intérieur (TFEU 114) est censé promouvoir la libre circulation des marchandises et la libre concurrence, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé. Dans ce cas précis, le marché est en soi fortement bénéfique à la santé car les e-cigarettes concurrencent les cigarettes, mais sont 99 à 100% moins dangereuses. Cette base légale requière une justification sanitaire pour s'éloigner du principe de libre circulation des marchandises:

  • Interdiction de publicité. La Directive interdit de nombreuses forme de publicité, de promotion et de parrainage dans de nombreux média. Pourquoi ? La publicité est un service de droit faisant partie de la libre circulation des marchandises. Le considérant (3) de la Directive sur la publicité du tabac (2003/33/EC tobacco advertising directive) fait référence aux 500 000 morts du tabac en Europe comme justificatif à l'interdiction de publicité pour le tabac. Il n'y a pas de rationnel équivalent pour l'e-cigarette – au contraire, la publicité pour l'e-cigarette pourrait entraîner les fumeurs à arrêter le tabac et ainsi contribuer à une amélioration de santé. Une approche proportionnée serait d'appliquer le type de restrictions qui sont appliquées aux publicités pour l'alcool dans les Etats membres, et pas au tabac. Verdict: disproportionnée, pas de rationnel sanitaire, aucune base légale.
  • Limitation de la nicotine dans les e-liquides. Basée sur des affirmations erronées de l'équivalence entre cigarettes et e-cigarettes, une limite de 20mg/ml a été proposée pour les e-liquides, pourtant 20 à 30% des consommateurs utilisent actuellement des e-liquides plus concentrés. Quel est le rationnel sanitaire pour imposer cette limite et refuser aux consommateurs et aux producteurs de e-liquides plus concentrés l'accès au marché intérieur? Des e-liquides plus concentrés sont nécessaires pour les fumeurs les plus dépendants et ceux qui sont en train de quitter la cigarette, donc cette limite arbitraire risque plus d'augmenter les échecs et de protéger le marché des cigarettes. Verdict: discriminatoire, pas de rationnel sanitaire, aucune base légale.
  • Imposer de petits contenants. La proposition vise à contrôler les risques de toxicité aiguë en limitant la taille des contenants (fioles). Le raisonnement surestime considérablement les risques de toxicité et ignore la pratique courante pour le contrôle des substances dangereuses par l’étiquetage et le conditionnement, néanmoins présent dans la réglementation européenne sur l'étiquetage et le conditionnement 1272/2008. Verdict: discriminatoire, pas de rationnel sanitaire, aucune base légale, risque couvert par d'autres législations.
  • Interdiction de mentionner les arômes sur les produits aromatisés. L'interaction entre les articles 18.4(b)ii et 12.1(c) aurait l'effet d'interdire toute référence aux arômes d'e-cigarette ou des fioles de e-liquide, même sur les produits aromatisés – privant ainsi toute personne d'une information légitime sur le produit. Verdict: en termes légaux, disproportionnée, pas de base légale. Pour tout autre personne, un fiasco.
  • Obligation d'une délivrance consistante. C'est une question de préférence du consommateur et n'est basée sur aucun rationnel sanitaire par rapport à la façon dont les consommateurs utilisent la nicotine (voir la science imparfaite ci-dessus), de plus c'est techniquement difficile à réaliser. Ceci est tout droit sorti de la réglementation pharmaceutique, où la délivrance d'un principe actif au patient est une obligation importante, mais n'est absolument pas adapté ici. Verdict: disproportionnée, pas de rationnel sanitaire, la protection des consommateurs est couverte par d'autres législations.
  • Avertissements sanitaires excessifs et notices d'information. Les avertissements sanitaires sont incorrects (la nicotine n'est pas "fortement addictive", cela dépend comment elle est administrée), inutilement grands, inadaptés et rebutants compte tenu des faibles risques associés, et des bénéfices de santé importants. L'obligation d'inclure une notice d'information n'est pas une obligation pour les fabricants de tabac. Verdict: discriminatoire, disproportionnée, pas de base légale.
  • Obligation de vigilance et de tests pharmacocinétiques. Il y a plusieurs coûts élevés imposés aux fabricants d'e-cigarette qui ne sont pas imposés aux fabricants de tabac. Beaucoup d'information est demandé, mais rien n'est dit sur leur utilisation potentielle. Verdict: discriminatoire, disproportionnée (n'atteint pas l'obligation de minimiser les charges pour atteindre les objectifs).
  • A la discrétion des Etats membres. Les Etats membres ont la possibilité d'interdire les arômes, de réglementer ces produits comme des médicaments (une autre forme d'interdiction pour la plupart des produits) ou de retirer du marché les e-cigarettes réutilisables. A quoi sert une Directive européenne sur le marché intérieur qui ne contribue guère à faire respecter le principe de libre circulation des marchandises? Verdict: créerait une protection arbitraire du marché de la cigarette et verrait les Etats membres perdre des procès en justice.

Eléments manquants. Parallèlement, des éléments de réglementation qui pourraient être utiles ont été oubliés – par exemple, les normes de pureté des ingrédients pour les e-liquides ou les normes techniques appropriées (ex: plages de températures d’utilisation) pour les dispositifs.

Cette mise au point sur l'e-cigarette et les e-liquides reflètent la forte controverse qui s'est instaurée au cours du Trilogue. Elle ne doit pas s'entendre comme une acceptation du reste de la Directive, particulièrement en ce qui concerne l'interdiction du snus (Article 15), pour laquelle il n'y a aucune base non plus. Douze experts ont récemment écrit au UK Secretary of State to call for the snus ban to be lifted on scientific, ethical and legal ground.

Que faire?

La bonne approche

Pris ensembles, les différentes sections de la DPT qui concernent l'e-cigarette représentent maintenant un total de 4400 mots et remplissent 12 pages – plus que nécessaire pour justifier une nouvelle procédure législative et une Directive à part entière. La plus grande partie de ce texte a été créé de novo entre octobre et décembre 2013 sans aucune consultation, selon une analyse inadéquate, et un faible raisonnement basé principalement sur une mauvaise interprétation scientifique. Il serait mieux de procéder avec un simple amendement de la forme suivante:

Article 18: Après avoir réalisé une large consultation et au plus tard le [31 décembre 2014] la Commission fera un rapport sur le marché pour les produits récréatifs contenant de la nicotine n'étant pas du tabac, prenant en compte l'impact et les implications sanitaires et l'impact sur la consommation de tabac. Le rapport devra inclure les options réglementaires et leur évaluation, et de façon appropriée, des propositions législatives pour permettre le développement du marché intérieur de ces produits, avec pour but d'assurer un haut niveau de protection de la santé.

Les décisions faites par l'UE sur cette technologie importante et utilement innovante décideront de l'avenir de cette catégorie pour les dix prochaine années ou plus, et influeront probablement les normes internationales. Il serait mieux que cela soit fait correctement, plutôt que de bâcler une législation controversée avant les élections de mai 2014.

La mauvaise approche

Il ne serait pas correct de la part des Députés européens d'ignorer une composante importante d'une Directive, en sachant qu'elle est basée sur une mauvaise interprétation de la science, qu'elle a suivi une procédure irrégulière, et qu'elle contient des mesures d'une validité juridique contestable. Comment cela pourrait-il être justifié? L’Union européenne a besoin de gagner la confiance et le respect, pas de bafouer sa crédibilité en passant de mauvaises lois et en s'affranchissant des contraintes des traités européens.

Merci de me contacter si je peux vous apporter de plus amples informations ou si vous le voulez pour discuter des différents points soulevés ici.

Cordialement

Clive Bates

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G
Bravo, une analyse claire et une réponse cohérente, merci!
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G
Bravo, une analyse claire et une réponse cohérente! Merci.
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