Il est plus que temps de dire la vérité aux fumeurs concernant la vape !
Publié le 26 Juin 2019
Lundi 24 juin 2019, Santé Publique France envoie aux journalistes un article avec embargo jusqu'à ce jour (ce qui explique les articles de la presse ce matin). J'ai pu me procurer cette article qui n'est toujours pas disponible sur le site de SPF, et aucun communiqué de leur part n'a été fait !
Et ce ne sont que les données de 2017, un an pour publier les résultats !
Des résultats positifs pour la vape, mais la désinformation continue son chemin chez les fumeurs et les plus défavorisés. La faute en revient aux autorités de santé.
Mais alors, pourquoi ne pas l'avoir publié dans le BEH du mois de mai lors de la journée sans tabac? Et pourquoi cet article n'utilise pas les données du Baromètre 2019 (données de 2018), puisqu'elles étaient disponibles alors (voir l'éditorial de François Bourdillon, juste avant qu'il ne quitte SPF !). SPF serait-elle vue comme le vilain petit canard, qui fait rien qu'embêter le Ministère de la Santé en publiant des données plutôt favorables à la vape, alors qu'il fait tout pour éviter d'en parler, surtout en bien.
Voici ce que nous dit cet article, que personne ne pourra réellement citer, puisque d'une part il n'est pas encore disponible sur le site de SPF, et que d'autre part il n'est pas publié dans un journal scientifique reconnu comme tel. Tiens, par la même occasion, pourquoi les articles issus des données de prévalence du tabac ou de la vape ne sont qu'à de rares exceptions, publiés dans des journaux scientifiques de langue anglaise, afin de disséminer les données au-delà de l'hexagone ?
Le Baromètre de Santé publique France 2017 est une enquête menée par téléphone auprès d’un échantillon de 25 319 personnes, représentatif de la population des 18‑75 ans, résidant en France métropolitaine et parlant le français. L'enquête s'est déroulée du 5 janvier au 18 juillet 2017 (NDLR : l'année du 2ème Sommet de la vape). La méthode d’échantillonnage repose sur un sondage aléatoire à deux degrés. La réalisation de cette enquête, par système de Collecte assistée par téléphone et informatique (Cati), a été confiée à l’Institut Ipsos.
Définitions
Le statut fumeur est défini en quatre modalités : fumeur quotidien / fumeur occasionnel (non quotidien) / ex‑fumeur (qui a fumé occasionnellement ou quotidiennement par le passé) / jamais fumeur (ou juste pour essayer). Sans précision, le terme « fumeur » regroupe les fumeurs quotidiens et occasionnels.
Le statut de vapoteur est défini en quatre modalités : vapoteur (déclare vapoter quotidiennement ou occasionnellement au moment de l’enquête) / ex‑vapoteur (qui a vapoté de manière quotidienne pendant au moins un mois) / vapoteur expérimentateur (a juste essayé ou ex‑vapoteur occasionnel) / jamais vapoteur.
Les non vapoteurs regroupent les vapoteurs expérimentateurs, les ex‑vapoteurs quotidiens et ceux qui n’ont jamaisvapoté. Les vapoteurs quotidiens sont les vapoteurs actuels qui déclarent vapoter tous les jours. Les vapofumeurs sont les personnes qui déclarent vapoter au moment de l’enquête et qui fument également (de manière quotidienne ou occasionnelle).
Analyses
Une estimation du nombre de personnes ayant réussi à arrêter de fumer avec l’aide de la cigarette électronique (combinée éventuellement à d’autres aides) depuis que celle‑ci est apparue sur le marché français a été réalisée en additionnant deux mesures : le nombre d’ex‑fumeurs vapoteurs déclarant que la cigarette électronique les a aidés à arrêter de fumer, et le nombre d’ex‑fumeurs ex‑vapoteurs déclarant que la cigarette électronique les a aidés à arrêter de fumer. Cette estimation porte sur une période d’environ sept ans, puisque l’arrivée de la cigarette électronique sur le marché français remonte au début des années 2010.
Les questions sur la nocivité perçue de la cigarette électronique en comparaison avec la cigarette ordinaire et les opinions concernant deux mesures réglementaires ont été posées à un sous‑échantillon constitué aléatoirement en début de questionnaire et également représentatif des 18‑75 ans (n=6 224) :
-- « Pensez‑vous que la cigarette électronique est plus nocive, moins nocive ou aussi nocive pour la santé que la cigarette ordinaire ? ». Les facteurs sociodémographiques associés à la nocivité perçue sont analysés à partir de régressions logistiques multinomiales, avec pour modalité de référence « aussi nocive ».
-- « Êtes‑vous très, plutôt, plutôt pas ou pas du tout favorable à l’interdiction de la cigarette électronique dans les lieux où il est interdit de fumer ? » [NDLR : cette question est assez perverse, puisque la vape n'est pas interdite dans tous les lieux où fumer est interdit ! voir le décret du 25 avril 2017*], « Êtes‑vous très, plutôt, plutôt pas ou pas du tout favorable à l’interdiction de la vente de cigarettes électroniques aux mineurs de moins de 18 ans ? ». Les réponses ont été regroupées pour certaines analyses : « Oui » regroupe les modalités « très » et « plutôt », et « Non » regroupe « plutôt pas » et « pas du tout ». Les facteurs sociodémographiques associés à ces deux opinions sont analysés à partir de régressions logistiques. Les évolutions de ces opinions par rapport à 2014 sont présentées ici, et les comparaisons de pourcentages testées au moyen du test du Chi2 de Pearson, les questions ayant été posées à l’identique dans le Baromètre de Santé publique France 2014 (n=5 276).
* « Art. R. 3513-2.-Les lieux de travail soumis à l'interdiction de vapoter en application du 3° de l'article L. 3513-6 du présent code s'entendent des locaux recevant des postes de travail situés ou non dans les bâtiments de l'établissement, fermés et couverts, et affectés à un usage collectif, à l'exception des locaux qui accueillent du public.
RÉSULTATS
Profil sociodémographique des vapoteurs
Pour rappel, la prévalence du vapotage (3,8 %) et du vapotage quotidien (2,7 %) parmi les 18‑75 ans en 2017 ont été publiées dans un précédent article. [NDLR : on omet cependant de dire que selon les données du baromètre santé 2018, la prévalence du vapotage quotidien est passé à 3,8% en 2018]
Vapotage et tabagisme
Quasiment tous les vapoteurs ont, en 2017, une expérience avec le tabagisme. Parmi les vapoteurs quotidiens, 39,7 % fument du tabac tous les jours, 10,6 % fument occasionnellement, 49,5 % sont d’anciens fumeurs (figure 1). Moins de 1 % des vapoteurs quotidiens n’ont jamais fumé. Par rapport à 2014, la part de fumeurs quotidiens a été divisée par deux chez les vapoteurs alors que celle des ex‑fumeurs a doublé.
Au sein de l’ensemble de la population des 18‑75 ans en 2017 (figure 2, voir ci-dessus) :
-- 31,9 % fument : 2,3 % vapotent et 29,6 % ne vapotent pas actuellement ;
-- 37,0 % n’ont jamais fumé, quasi‑exclusivement des non‑vapoteurs actuellement ;
-- 31,1 % sont des ex‑fumeurs : 1,4 % vapotent et 29,6 % ne vapotent pas actuellement.
Par rapport à 2014, les proportions des ex‑fumeurs non vapoteurs et des vapofumeurs ont diminué, alors que les parts des ex‑fumeurs vapoteurs et de ceux qui n’ont jamais fumé ont augmenté. En 2017 (première année où cette distinction est possible), les ex‑fumeurs qui ne vapotent pas actuellement se répartissent en 1,2 % d’ex‑vapoteurs et 28,4 % de personnes qui n’ont jamais vapoté ou ont seulement expérimenté l’e‑cigarette.
Perception de l’e‑cigarette comme aide à l’arrêt du tabac.
Parmi les ex‑fumeurs qui déclarent vapoter au moment de l’enquête ou qui ont déjà vapoté quotidiennement pendant au moins un mois, 76,3 % déclarent que l’e‑cigarette les a aidés à arrêter de fumer : 67,8 % sans autre aide et 8,6 % combinée à d’autres aides. Ces proportions varient fortement en fonction du statut par rapport au vapotage au moment de l’enquête : les vapoteurs estiment nettement plus souvent que l’e‑cigarette les a aidés sans autre aide que les ex‑vapoteurs (86,3 % versus 45,1 %, p<0,001).
Les vapoteurs et les ex‑vapoteurs sont en revanche aussi nombreux à penser que l’e‑cigarette , combinée à d’autres aides, les a aidés à arrêter de fumer. En 2017, le nombre de personnes qui pensent que l’e‑cigarette les a aidées à arrêter de fumer peut être estimé en additionnant le nombre d’ex‑fumeurs vapoteurs (actuels) et le nombre d’ex‑fumeurs ex-vapoteurs (quotidiens pendant au moins un mois), qui déclarent que l’e‑cigarette les a aidés à arrêter de fumer, seule ou combinée à d’autres aides. Le nombre d’ex‑fumeurs, quelle que soit la durée depuis laquelle ils ont arrêté de fumer, qui pensent ainsi que vapoter les a aidés à arrêter de fumer peut être
estimé à 870 000 [780 000 ; 970 000] depuis l’arrivée de l’e‑cigarette sur le marché français, soit en environ sept ans (tableau I). En restreignant la population aux ex‑fumeurs quotidiens ayant arrêté de fumer depuis plus de six mois, on peut estimer qu’environ 700 000 personnes [610 000 ; 790 000] ont arrêté de fumer grâce à l’e‑cigarette, seule ou combinée à d’autres aides, selon leurs déclarations.
Là où le bât blesse c'est sur la Nocivité perçue de l’e‑cigarette en comparaison avec la cigarette ordinaire
En 2017, 11,3 % des 18‑75 ans pensent que l’e‑cigarette est plus nocive pour la santé que la cigarette ordinaire, 40,2 % qu’elle est aussi nocive, 35,1 % qu’elle est moins nocive, et enfin 13,4 % répondent ne pas savoir (tableau II). Par rapport à 2014, davantage de personnes considèrent que l’e‑cigarette est au moins aussi nocive que la cigarette ordinaire. Inversement, une proportion nettement moindre la trouve moins nocive. La proportion de personnes qui ne savent pas répondre à cette question a augmenté par rapport à 2014.
Une analyse multivariée montre que, par rapport aux personnes qui pensent que l’e‑cigarette est aussi nocive pour la santé que la cigarette ordinaire (tableau III) :
• les personnes qui pensent qu’elle est moins nocive sont davantage âgées de 45 à 75 ans, avec les plus hauts revenus et niveaux de diplôme, et sont plus souvent vapoteurs ou expérimentateurs de la vape ;
• comparés aux personnes n’ayant jamais fumé, les fumeurs quotidiens pensent davantage que l’e‑cigarette est plus nocive que la cigarette ordinaire ;
• les femmes sont ainsi les plus nombreuses à juger que la nocivité de l’e‑cigarette est similaire à celle de la cigarette ordinaire.
Opinions sur la réglementation
Interdiction dans les lieux où il est interdit de fumer (sic)
En 2017, 66,9 % des 18‑75 ans sont favorables à l’interdiction de vapoter dans les lieux où il est interdit de fumer (tableau IV) : 36,6 % très favorables et 30,3 % plutôt favorables. Cette proportion est en augmentation par rapport à 2014 (62,0 %, p<0,001).
Après contrôle des caractéristiques socioéconomiques et des statuts tabagiques et de vapotage, les femmes ont tendance à être plus favorables à l’interdiction de vapoter dans les lieux où il est interdit de fumer que les hommes. Sont, à l’inverse, moins favorables à l’interdiction les fumeurs quotidiens par rapport aux personnes qui n’ont jamais fumé, les vapoteurs et les expérimentateurs de l’e‑cigarette par rapport aux personnes qui n’ont jamais vapoté (tableau V).
En bref...
En ce jour où la ville de San Francisco a décidé d'interdire la vente des produits de la vape (qui fait aussi la Une des journaux aujourd'hui), il est agréable de voir des nouvelles positives (et moins aussi) relayées par les médias. Il est cependant étonnant de ne pas voir sur la page de SPF le communiqué de presse et l'article qu'ils ont fait passé aux journalistes. Pourquoi, telle est la question ? L'immobilité du Ministère de la Santé sur ce sujet devient inquiétante, SPF est-elle plus ou moins bâillonnée, on est en droit de se poser aussi la question. A quand une ré-ouverture du dialogue mis en place lors du 1er Sommet de la Vape avec le DGS d'alors, Benoît Vallet, et mise au rancard depuis 2 ans ? Le prochain Sommet de la vape, annoncé par SOVAPE pour le 14 octobre 2019, sera-t-il l'occasion de renouer ce dialogue ? En tout cas, comme il l'avait promis, le Pr Benoît Vallet sera bien présent pour parler du principe de précaution et de la réduction du risque.