Une nouvelle proposition raisonnable de Clive Bates pour la réglementation de la e-cigarette
Publié le 11 Décembre 2013
Cette lettre s'adresse avant tout aux négociateurs du trilogue, mais aussi à nos élus.
Elle a été envoyée à:
Matthias Groote (German S&D includes Labour) in the chair,
matthias.groote@europarl.europa.eu
Linda McAvan (British Labour / S&D), linda.mcavan@europarl.europa.eu
Karl Heinz Florenz (German EPP), karl-heinz.florenz@europarl.europa.eu
Carl Schlyter (Swedish Green), carl.schlyter@europarl.europa.eu
Frédérique Ries (Belgian ALDE), frederique.ries@europarl.europa.eu
Martin Callanan (ECR), martin.callanan@europarl.europa.eu
Martina Anderson (Irish Nationalist), martina.anderson@europarl.europa.eu
Giancarlo Scottà (Italian EFD), giancarlo.scotta@europarl.europa.eu
Une fois de plus, Clive Bates propose une analyse et des règles simples à suivre pour établir une réglementation raisonnée de la e-cigarette. Elle n'est ni un produits du tabac (donc elle ne doit pas être assimilé à celui-ci, et donc ne doit pas être incluse dans la Directive tabac), ni un médicament. Un processus législatif approprié doit être suivi, et c'est ce que propose ici Clive Bates.
Le texte proposé par la Commission et le Conseil européens montre clairement qu'ils n'ont pas cherché à comprendre le phénomène ou comment la e-cigarette fonctionne. Tout leur argumentaire repose sur un principe de précaution inadapté, car mal informé.
Les points les plus importants concernent les doses de nicotine dans les e-liquides, les arômes, les types de e-cigarette, et la publicité. Le seul type de e-cigarettes qui serait retenu selon le texte actuel, correspond à celles qui comme par hasard ressemblent à des cigarettes conventionnelles, celles que l'industrie du tabac promeut actuellement. Les vapoteurs savent que ce type de e-cigarette ne permet pas de s'éloigner du tabac, et ne sert au mieux qu'à inciter les fumeurs à essayer, ou à leur permettre de ne pas fumer là où c'est interdit, mais sans abandonner leur tabagisme. C'est pour cette raison que les vapoteurs utilisent tous des e-cigarettes de seconde ou de troisième génération, avec des réservoirs que l'on peut remplir de e-liquide, et non pas des systèmes à cartouche scellée comme le propose le texte actuel. Ces e-cigarettes, grâce à des batteries plus puissantes, permettent d'obtenir des nicotinémies (concentration de nicotine dans le sang) plus proches de celles obtenues avec la cigarette, et donc de combattre l'envie de fumer plus efficacement. De même, les réservoirs permettent de limiter les manipulations de e-liquide, car ils peuvent contenir la quantité nécessaire à la consommation quotidienne. La concentration de nicotine dans les e-liquides est aussi un point important, si la dose est trop faible le fumeur qui l'utilise ne trouve pas de satisfaction suffisante pour s'éloigner de la cigarette. Or, une e-cigarette ne délivre pas la nicotine de façon aussi efficace que la cigarette de tabac. L'absorption est moindre, car elle ne pénètre sans doute pas aussi profondément les poumons que ne le fait la fumée de tabac, et de fait, elle est absorbée et atteint le cerveau moins vite que lorsqu'elle est fumée. La satisfaction, si la dose est trop faible, est donc moindre. De plus, le danger par rapport à l'utilisation de la nicotine est surévalué, la nicotine n'est pas dangereuse pour la santé aux doses que s'administrent un fumeur ou un vapoteur, et le fumeur a appris à réguler la dose de nicotine qu'il s'administre. Le danger de surdosage est inexistant. L'utilisateur sent parfaitement les effets de la nicotine. Si un e-liquide est plus concentré, le vapoteur va simplement régler sa façon de vapoter pour absorber moins de nicotine. Si le dosage est trop faible, il va par contre devoir vaper beaucoup plus, ou va être découragé et courra le risque de reprendre le tabagisme, ou de ne jamais l'abandonner totalement. De même, les arômes jouent un grand rôle dans la satisfaction à vaper, et les ex-fumeurs devenus vapoteurs, découvrent le plaisir d'inhaler autre chose que de la fumée de tabac. Ils apprécient très vite des arômes de fruits par exemple, ou de café ou de menthe. C'est aussi un point crucial pour maintenir la satisfaction, et donc s'éloigner du tabagisme. Limiter les arômes, sous prétexte qu'ils pourraient attirer les jeunes, relève d'une totale méconnaissance de ce phénomène. Toutes les enquêtes actuelles montrent d'ailleurs que l'utilisation chez les jeunes est minime, et que ce sont principalement des fumeurs ou des ex-fumeurs (ceux qui ont réussi à arrêter totalement de fumer grâce à la e-cigarette) qui utilisent la e-cigarette. Enfin, la limitation de la publicité, même si elle nécessite un encadrement, telle qu'elle est proposée, en assimilant la e-cigarette au tabac, et donc en interdisant toute publicité directe ou indirecte (les forums de vapoteurs par exemple, qui sont un encouragement à quitter le tabac et qui n'a jamais eu lieu entre fumeurs), est une erreur fondamentale. Autant elle est justifiée pour le tabac, autant elle est disproportionnée et contre-productive pour la e-cigarette. La e-cigarette étant considérablement moins dangereuse que la cigarette, et son utilisation permettant à de nombreux fumeurs d'arrêter de fumer ou de réduire leur consommation (réduction du risque), il faudrait au contraire pouvoir convaincre le plus grand nombre, et il reste encore environ 15 millions de fumeurs en France, que ce produit peut les aider à arrêter de fumer, et donc les encourager à le faire plutôt que de leur faire peur. Les avertissements sanitaires, s'il y en a, devraient mettre en avant les bénéfices pour la santé plutôt que les risques. En particulier celui de dépendance. La grande majorité des utilisateurs sont des fumeurs, et donc déjà dépendant de la cigarette. Les données actuelles montrent que la nicotine pure est sans doute moins addictive que lorsqu'elle est inhalée avec la fumée de tabac (qui contient d'autres substances facilitant cette dépendance, comme les IMAO). Il sera donc sans doute plus facile à un vapoteur d'arrêt de vaper, s'il le souhaite, qu'à un fumeur d'arrêter de fumer. Les avertissements sanitaires devraient donc en prendre compte, et encourager l'utilisation par les fumeurs, plutôt que de mettre en garde envers d'hypothétiques dangers.
L'urgence aujourd'hui est de retirer toute mention de la e-cigarette dans la proposition de Directive sur les produits du tabac, ce qui permettra de conclure son vote d'ici la fin de l'année, et de satisfaire les autorités de santé et les associations anti-tabac, et de rapidement mettre en place les conditions pour qu'une nouvelle législation spécifique à la e-cigarette voit rapidement le jour. Pour plus de détails sur ce processus, je vous renvoie à ma Lettre ouverte à Mme la Ministre de la Santé et à tous nos élus: ne mettez pas la Directive tabac en danger!
En espérant que cette courte analyse vous permette de mieux comprendre le rôle primordial que pourrait jouer la e-cigarette dans l'amélioration de la santé publique, je me mets à la disposition de quiconque souhaiterait profiter de mes 30 ans d'expérience dans le domaine de la dépendance au tabac. Pour moi, comme pour tous les experts de ce domaine la e-cigarette est une révolution qu'il ne faut pas laisser passer. Elle a la capacité de sauver des millions de vies, si l'on sait l'encadrer afin qu'elle bénéficient au plus grand nombre de fumeurs.
Bien cordialement,
Jacques Le Houezec